Urbanisme

Le PPRI livronnais

Après la venue des services de l’Etat à Livron concernant le PPRI, il semble opportun de revenir, pour une bonne compréhension, sur les explications fournies aux habitants, et d’essayer de mettre celles-ci en perspective avec les premières études analytiques parues sur le sujet.

I- LE CONTEXTE LEGAL

Le Plan de Prévention des Risques Inondation (PPRI) est un outil visant à limiter les conséquences humaines et économiques des catastrophes naturelles produites par les inondations.

C’est la dynamique démographique de l’urbanisation qui accroît la priorité que constitue l’élaboration des PPRI, afin d’interdire de nouvelles extensions urbaines dans des zones exposées à un risque fort, et de préserver les champs d’expansion des crues.

C’est donc l’Etat, par le biais de  l’Art. L562-1 du Code de l’Environnement (loi Barnier 1995 mod. loi Risques 2003) qui élabore et met en application les PPRI. Ces plans ont pour objet :

  • de délimiter les zones exposées aux risques, dites zones de danger, en tenant compte de la nature et de l’intensité du risque encouru, afin d’y interdire tout type de construction (ouvrage, aménagement) ou d’exploitation (agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle). Dans le cas où celles-ci  pourraient y être autorisées, prescrire les conditions dans lesquelles elles doivent être réalisées ou utilisées ;
  • de délimiter les zones, dites zones de  précaution, qui ne sont pas directement exposées à des risques, mais dans lesquelles des constructions ou exploitations pourraient aggraver les risques ou en provoquer de nouveaux ;
  • de définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises dans ces zones par les collectivités publiques et les particuliers ;
  • de définir les mesures relatives à l’aménagement, l’utilisation ou l’exploitation des constructions, des ouvrages, des espaces mis en culture ou plantés existants à la date de l’approbation du plan, qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants ou utilisateurs dans ces zones.
  • sauvegarder l’équilibre des milieux dépendant des petites crues et la qualité des paysages souvent remarquables du fait de la proximité de l’eau.

1-1- Les principes

Le PPRI est donc une servitude d’utilité publique (art. L562-4 du Code de l’Environnement)  qui limite le droit de propriété, d’usage et de modification du sol.  Il permet de délimiter les zones exposées à un aléa de référence (un débordement de cours d’eau par ex.), de les qualifier (Danger ou Précaution), de les réglementer (interdire les projets ou prescrire les conditions de construction et d’utilisation).

Le PPRI s’applique à tous (Etat, Collectivités locales, Entreprises, Particuliers) et doit être annexé aux documents d’urbanisme. Il est  composé d’un plan de zonage et d’un règlement, d’un rapport de présentation et d’annexes.

Depuis le 1er juin 2006 l’Information des Acquéreurs et des Locataires (IAL) est obligatoire. Tout vendeur ou bailleur doit informer l’acquéreur ou le locataire de l’existence des risques sur le bien concerné, au travers de l’état des risques, dès lors qu’un PPRI est  approuvé.

1-2- Les objectifs

Dans les zones de danger (ZD), la servitude est créée afin ne pas accroître la vulnérabilité de ces zones. Dans les zones de précaution (ZP), la servitude permet de préserver des espaces, afin de ne pas ajouter de population et de ne pas accroître l’exposition aux risques des zones de danger.

II- L’ELABORATION DU PPRI

On considère que le Risque = Aléa x Enjeu. Il faut donc déterminer l’aléa, le qualifier en  ZD ou ZP,  cerner les enjeux, croiser les données pour définir le zonage, et enfin règlementer le PPRI.

II-1- L’aléa

La circulaire du 24/01/1994 indique que l’événement de référence a retenir pour le zonage est, conventionnellement, la plus forte crue connue et, dans le cas où celle-ci serait plus faible qu’une crue de fréquence centennale, cette dernière. L’aléa de référence va permettre de modéliser la crue choisie pour le PPRI, dans les conditions actuelles d’écoulement et de topographie.

Alea_Risque

L’approche HydroGéoMorphologique (HGM) est la méthode de détermination de l’aléa. Elle consiste d’abord à délimiter les lits du cours d’eau. Une analyse stéréoscopique de photos aériennes va permettre d’identifier le relief et la morphologie du terrain (terrasses et talus structurants, ruptures de pente, etc.,). Viennent ensuite les visites de terrain afin d’analyser la sédimentologie et les formations superficielles de sols (dépôts grossiers = terrasses anciennes, dépôts fins ou limons = lit majeur, atterrissements et végétation = lit moyen). Enfin, d’autres visites de terrain ainsi que des enquêtes auprès des populations permettent d’établir un historique des crues observées, des niveaux constatés, et la dynamique des crues.

Topographie

La modélisation des données recueillies va permettre d’établir un profil d’expansion des crues.

Courbe_alea

L’aléa en matière de PPRI est généralement caractérisé par la hauteur de submersion et  la vitesse d’écoulement.

La hauteur d’eau, résultant d’observation, de mesures ou de modélisation, est dans le cas général assez fiable avec une marge d’erreur de 20cm. On distingue 2 seuils :

  • hauteur de 1 m, qui correspond à la valeur limite inférieure de l’aléa fort = ZD, et  se traduit par le soulèvement des véhicules et l’impossibilité d’accès des secours,
  • hauteur de 0,50m qui correspond à la valeur limite inférieure de l’aléa modéré = ZP, dont l’expérience montre que, même avec une vitesse faible, il rend impossible le déplacement d’un enfant ou d’une personne âgée.

La vitesse d’écoulement, est un paramètre important à prendre en compte,  même s’il est en pratique très délicat à modéliser avec certitude. Combinés entre eux, les facteurs évoqués ci-dessus caractérisent l’aléa de la manière suivante :

Intensite_alea

II-2- Les enjeux

Les deux enjeux principaux sont les espaces urbanisés définis sur la base de la réalité physique existante, et les champs d’expansion des crues qui sont les zones d’expansion non ou peu urbanisées.

Les zones d’expansion présentent par nature une vulnérabilité faible dans la mesure où les menaces sur les biens et personnes y sont faibles, elles constituent cependant un enjeu fort en matière de gestion des crues car elles permettent de réduire l’extension et l’intensité des inondations sur les zones habitées voisines.

Les espaces urbanisés comprennent les centres urbains qui justifient un traitement particulier, mais également les activités, voies de communication, les équipements sensibles ou stratégiques. L’évaluation des enjeux doit donc intégrer ceux touchant à la sécurité et aux fonctions vitales de la commune.

II-3- Le zonage

En croisant le niveau de l’aléa et la nature des enjeux, on obtient une estimation du risque utile au zonage réglementaire. L’utilisation du terme risque peut prêter à confusion, dans la mesure où  il  recouvre   normalement  une  notion  de  danger,  alors  qu’une  zone  d’expansion  des  crues présentant une faible vulnérabilité ne présente un danger que par les effets indirects qu’elle entraîne sur les zones urbanisées voisines. Le résultat du croisement de l’aléa et des enjeux est souvent défini comme une zone de contrainte forte = zone inconstructible ou de contrainte modérée =  zone constructible sous conditions.

III- LE PPRI ELABORE A LIVRON

Le centre bourg est couvert par un PPRI, prescrit par arrêté préfectoral n°2002- 175-13 du 24 juin 2002, qui  délimite la zone d’aléa de l’Ousse et de ses affluents. . Il traverse le territoire communal du Nord au Sud en suivant l’Ousse. Le zonage règlementaire a été divisé en 5 zones :

  • la zone rouge exposée à un risque d’inondation fort = aléa fort (hauteur d’eau >1m et/ou vitesse d’écoulement >1m/s), sur laquelle il est interdit de construite ou de s’installer (mobil-home, caravanes, etc.) ;
  • la zone orange exposée à un risque d’inondation moyen = aléa fort (0,50m>hauteur d’eau<1m) et/ou 0,50m/s>vitesse d’écoulement<1m/s), sur laquelle il est interdit de construite ou de s’installer (mobil-home, caravanes, etc.,), mais autorisé de réaliser des travaux sur les constructions existantes, et des extensions sur les bâtiments liés à l’exploitation agricole ;
  • la zone jaune exposée à un risque d’inondation faible = aléa faible (hauteur d’eau<0,50m et/ou vitesse d’écoulement <0,50m/s), réservée à l’expansion des crues, et identique à la zone orange pour les prescriptions ;
  • la zone verte exposée à un risque d’inondation faible = aléa faible (hauteur d’eau<0,50m et/ou vitesse d’écoulement <0,50m/s), est une zone déjà urbanisée dans le bourg, sur laquelle il est possible de construire sous conditions.
  • la zone blanche non exposée à un risque d’inondation.

Cette contrainte naturelle limite considérablement le développement et la densification de secteurs constructibles à l’Est du bourg.

Carte_PPRI

Carte règlementaire PPRI Livron 2003

IV- ANALYSE CRITIQUE

De manière générale, le risque inondation retranscrit dans les PPRI à travers la carte réglementaire, apparaît comme le résultat d’un aléa souvent simplifié, c’est à dire un seul phénomène pris en compte, alors que plusieurs types d’inondation peuvent se produire : une inondation par débordement du réseau hydrographique, une inondation par remontée de nappe, une inondation par ruissellement urbain ou encore une inondation par débordement de réseau.

De plus, les méthodes pour identifier l’aléa de référence sont très rarement explicitées dans la notice de présentation et aucune indication d’incertitudes sur les paramètres n’est présentée. La représentation de l’aléa à travers une référence centennale est souvent difficilement appréhendable par les habitants ou même les acteurs locaux.

L’articulation des documents se fait essentiellement autour de l’analyse de l’aléa, tandis que les enjeux sont souvent très peu explicités, la vulnérabilité n’est pas abordée. Les enjeux se divisent le plus souvent en deux catégories : un enjeu urbain et un enjeu de stockage de l’eau pour les zones non urbanisées. Ces documents cartographiques reflètent donc essentiellement une politique de préservation d’espaces de stockage. Les espaces correspondant aux zones de danger peuvent parfois apparaître comme moins contraints.

Les analyses  comparatives  menées sur  de nombreux PPRI  indiquent que ceux-ci  ne  peuvent que faiblement participer à des objectifs d’information et de développement d’une culture du risque adaptée aux conditions locales. Les enquêtes effectuées auprès d’habitants montrent effectivement que cet outil est avant tout perçu comme une contrainte et non comme une source d’information.

De fait,  les PPRI sont très impopulaires pour les habitants, tout d’abord, qui y voient une dépréciation de la valeur vénale de leurs biens et/ou une impossibilité de construire ; pour les acteurs locaux ensuite, qui y voient une entrave à l’urbanisation et au développement futur de leur commune et/ou une paupérisation des quartiers existants.

Les risques sont réels et non simplement imaginés, le coût économique des inondations représente en moyenne 150 à 300 M€ de dégâts par an, pour moitié sur les habitations, pour moitié sur les activités économiques.

Mais ce ne sont pas les risques eux-mêmes qui ont changé durant les dernières décennies (les inondations ont toujours existé), mais la perception que nous en avons. La source de cette perception du risque semble provenir de l’autorité conjointe de la science et de la technique dans la production, la construction et la définition des risques.

Comme les risques échappent à la perception sensible et dépassent nos capacités d’imagination, ils doivent être socialement construits par les experts scientifiques pour devenir réels et perceptibles. Le sociologue U. Beck souligne que ce sont les scientifiques qui découvrent les risques, que ce sont aussi eux qui définissent leur acceptabilité, et que ce sont encore eux qui proposent des solutions pour y remédier.

La société n’accepte pas le risque, ni socialement, ni financièrement, il faut  s’en prémunir collectivement. La culture du risque est donc la nouvelle norme à laquelle chacun est tenu de se conformer. Certes, le PPRI reste le meilleur moyen d’arrêter la  construction  dans des secteurs exposés, de réglementer des zones dans un principe de prévention, de préserver des zones pour atténuer l’effet de l’aléa sur lequel l’action reste limitée.

Néanmoins, ce type de servitude, outre les limitations qu »elle impose, a des effets pervers. Presque 10 ans après son approbation  à Livron, elle est toujours vécue comme une contrainte par les élus locaux et les habitants, car son périmètre est perçu ou considéré comme  ayant été mal défini, peu ou pas négocié et mal expliqué. Ceci semble une raison suffisante pour qu’à l’avenir élus locaux et habitants se libèrent d’une technocratie omnipotente et deviennent des partenaires éclairés de l’Etat dans les décisions qui devront être prises sur leur territoire.

JPS

Inondation

LEXIQUE

La culture du risque : est sensée constituer une éducation à la citoyenneté, elle permet d’appréhender son environnement, sa vulnérabilité et d ‘apprendre les bons réflexes lors de la survenue d’un risque majeur.

L’aléa : est un événement potentiellement dangereux ou la probabilité de survenue de cet évènement à un endroit donné au cours d‛une période déterminée.

L’enjeu : personnes, biens d‛équipements, environnements, susceptibles de subir des dommages ou des préjudices, en cas de survenue de l‛aléa.

La vulnérabilité : est la mesure des conséquences dommageables de l‛événement, sur les enjeux en présence

Le risque : résulte de la conjonction d‛un aléa et des enjeux en présence.

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